Julien Bourgeois est directeur d’exploitation et responsable du pôle Monuments Historiques de BMI.
Quand le savoir-faire historique rencontre l’innovation, une spécialité

Julien Bourgeois est Directeur d’Exploitation et Responsable du pôle Monuments Historiques de BMI. Avec ses équipes, il est aussi bien amené à travailler sur des édifices classés (châteaux, édifices religieux, projets remarquables en béton armé du XXème siècle, etc.) que des appartements haussmanniens ou des sinistres. Dans son domaine, lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d’un monument peut être assurée à l’aide de techniques modernes de conservation et de construction. Ses projets de restauration s’inscrivent donc souvent à mi-chemin entre innovation et savoir-faire historique…

Entretien avec un passionné.

Les restaurations de monuments historiques se ressemblent-elles toutes ?

En fonction de l’intérêt patrimonial de l’édifice considéré, les interventions de restauration doivent être définies dans le respect de la Charte de Venise, traité qui régit dans les grandes lignes les principes de la restauration des monuments et édifices anciens, s’étendant « non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle ».

Ce texte de référence mentionne également que « lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d’un monument peut être assurée en faisant appel à toutes les techniques modernes de conservation et de construction dont l’efficacité aura été démontrée par des données scientifiques et garantie par l’expérience ».

Les restaurations ont aussi un objectif majeur en commun : engager les travaux les moins visibles et les plus ponctuels et réversibles possible. L’idée est que nous puissions, dans le cadre de campagnes de travaux ultérieures, intervenir sur l’existant avec des techniques qui auront pu évoluer ou se développer dans le temps, rendant ainsi possibles des interventions toujours plus fines sur l’existant. On appréhende donc chaque restauration en gardant en mémoire le savoir-faire historique et traditionnel, en intégrant les techniques actuelles, et en permettant la possible utilisation des techniques innovantes de demain.

Il est à noter que chaque projet de restauration est unique du fait de l’unicité même du Monument Historique étudié (spécificités et particularités constructives et architecturales, historique de l’édifice, contexte environnemental, contraintes spécifiques, pathologies affectant l’édifice, etc.). Ainsi chaque monument étudié doit faire l’objet de méthodes de restauration qui lui sont entièrement adaptées.

Une des spécificités de BMI est de pouvoir mêler innovation et savoir-faire historique. Comment cela se retranscrit-il dans votre domaine, la restauration ?

Chez BMI, nous mettons un point d’honneur à définir et à dimensionner les interventions les plus ponctuelles et “chirurgicales” possibles dans l’objectif d’assurer la pérennité des édifices sur lesquels nous travaillons, tout en veillant bien à ne pas “traumatiser” ces derniers. Cela passe par un diagnostic structurel attentif et approfondi du bâtiment dans l’optique de pouvoir définir les interventions les plus adaptées possible.

Nous retrouvons cette interconnexion entre savoir-faire traditionnel et innovation technique lorsque nous utilisons au bureau des outils innovants comme des feuilles de calcul et des logiciels techniques en vue de définir précisément les interventions structurelles à envisager qui, elles, devront être les plus traditionnelles possibles.

L’association savoir-faire historique et innovation a-t-elle des limites ?

Dans le cas d’une mauvaise compréhension d’un édifice ou de son comportement structurel, il est fréquent d’observer sur site des dégradations ayant pu être engendrées par une technique, une pratique ou un matériau innovant mis en œuvre lors d’interventions antérieures. Citons un cas très courant : les planchers bois présentant une flèche naturelle sur lesquels on coule malheureusement bien souvent une chape en béton pour assurer une remise à niveau. Le béton, structurellement déconnecté du plancher en bois, engendre alors une importante augmentation de charges sur les éléments porteurs en bois, ce qui a pour effet de les déformer davantage voire même de les rompre.

C’est justement avec l’aide d’outils innovants et appropriés que nous sommes en mesure de définir et de dimensionner des solutions compatibles avec l’existant et éviter ce genre d’erreurs.

Quelle est la vision de BMI quand il s’agit de mêler innovation et savoir-faire ?

Notre objectif est de réaliser chaque projet avec des outils et méthodes modernes pour définir au plus juste les interventions structurelles à prévoir tout en conservant au maximum ses spécificités architecturales et patrimoniales. Nous nous attachons ainsi à définir les interventions de renforcement les moins visibles, les plus ponctuelles et les plus réversibles possibles et limiter ces dernières au plus strict nécessaire pour assurer la pérennité structurelle de l’ouvrage.

Pourquoi cette nécessité d’interventions réversibles ?

Sur les édifices anciens comme sur les constructions plus récentes, il est fréquent de retrouver des produits ou des techniques qui ont mal vieilli avec le temps, et qui peuvent à leur tour être sources de pathologies et de dégradations pour l’édifice. Il faut donc toujours avoir du recul sur les choix que l’on fait. Sans être opposé à l’innovation, il est important de conserver un œil critique sur l’ensemble des solutions que l’on propose pour assurer la conservation dans le temps des structures à renforcer. Définir ces solutions comme réversibles s’inscrit donc pleinement dans cet objectif.

Des exemples de projet BMI où le savoir-faire historique et l’innovation se sont particulièrement bien mêlés ?

Il y a deux ans, nous avons participé aux études de maîtrise d’œuvre sur l’actuelle salle de lecture de la bibliothèque centrale du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Il s’agissait à l’époque, en 1230, du réfectoire du prieuré de Saint-Martin-des-Champs. C’est un véritable joyau de l’architecture gothique protégé au titre des Monuments Historiques qui impliquait donc la prise en compte, dans le cadre de nos études, de nombreuses contraintes. Les interventions de renforcement ne pouvaient, par exemple, pas être visibles depuis le volume intérieur de la salle de lecture. Nous avons donc minutieusement défini et dimensionné des interventions de renforcement du système de voûtement ponctuels et « invisibles » depuis la salle.

Ici, l’innovation se retrouve dans l’analyse fine du comportement structurel du système de voûtement. Nous avons utilisé des logiciels pour effectuer des vérifications très précises via calcul à la rupture et comprendre ainsi, dans les détails, le fonctionnement de la voûte.

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